IRIMAS, équipe IMTI

Vision 3D, traitement de l'image et développement pour la microscopie photonique

La microscopie tomographique diffractive 3D

B.Simon, M.Debailleul, V.Georges, O.Haeberlé.

Mots-clés : microscopie 3D, tomographie diffractive, super résolution, microscope à synthèse d'ouverture, holographie numérique, optique de Fourier, imagerie 3D, mesure d'indice de réfraction.
Keywords : 3D microscopy, diffractive tomography, super-resolution, aperture synthesis microscopy, digital holography, Fourier optic, 3D imagery, refractive index measurement.

contact tomographie : matthieu.debailleul chez uha.fr

Généralités

La microscopie de fluorescence a fait d'importants progrès ces dernières années : une technique comme la microscopie confocale est devenue routinière pour l'imagerie des échantillons marquées et la microscopie STED ("stimulated emission depletion" ou "Déplétion par émission stimulée") permet d'atteindre des résolutions inégalées (inférieures à 50 nm). Les techniques de fluorescence ne sont cependant pas exemptes de problèmes : photoblanchiment, phototoxicité, difficultés voire impossibilité de marquage. À ceci s'ajoute la complexité du montage expérimental et de l'utilisation dans le cas du STED.
À l'inverse, la microscopie photonique sur échantillon non marqué n'a pas connu de tels progrès. Un des axes du laboratoire concerne la microscopie optique diffractive tomographique. C'est une technique permettant de visualiser en 3D un échantillon microscopique. Plus précisément, il est possible de mesurer l'indice de réfraction complexe (i.e. l'absorption et l'indice) d'un échantillon semi-transparent de façon quantitative et en trois dimensions. Par ailleurs, les résolutions latérale et longitudinale atteintes par ce microscope sont supérieures à celles du microscope photonique classique. Les échantillons ne nécessitent aucun traitement particulier, notamment aucun marquage.

Imagerie microscopique tomographique 3D
Fig. 1. Ci-dessus, une frustule de diatomée (algue unicellulaire) observée par tomographie diffractive en transmission. Sa largeur est d'environ 7 µm.

Principe

La tomographie. La tomographie consiste à restituer un objet à partir de "coupes" (mesures extérieures) de cet objet. Dans le cas de la tomographie assistée par ordinateur (tomodensimétrie), utilisée dans les scanners, il s'agit de restituer l'objet à partir de mesures extérieures à l'objet : une onde d'illumination traverse l'objet inconnu et la modification apportée par l'objet à cette onde est enregistrée sur un capteur. Chaque pixel du capteur enregistre l'intensité, ce qui donne une information sur l'absorption intégrée sur l'épaisseur de l'objet (intégrale en ligne). L'ensemble des intégrales en ligne enregistrées par le capteur est une projection. En tournant l'objet -ou de façon équivalente l'ensemble source/capteur-, on obtient différentes projections. Ces nouvelles projections apportent de nouvelles informations sur l'objet. Le problème inverse, consistant à restituer l'objet à partir de l'ensemble des projections, est appelé rétroprojection.

La tomographie diffractive. La tomographie diffractive nécessite également l'enregistrement de projections de l'objet, mais les mesures prennent en compte la diffraction et sont effectuées en phase et en amplitude. Cette technique de microscopie repose sur 3 points :
  • un modèle physique de diffraction (modèle direct). Ce modèle explique comment la lumière interagit avec l'objet. Un modèle de diffraction linéaire sous l'approximation de Born ou de Rytov peut être utilisé.
  • l'enregistrement en phase et en amplitude sous différents angles de l'onde diffractée par l'objet à visualiser. Ceci est effectué grâce à un montage de type holographique couplé à un système de balayage angulaire.
  • une reconstruction numérique de l'objet (problème inverse)
Le modèle direct, qui repose sur une approximation linéaire en champ diffracté, a été proposé par Wolf [Wolf1969].
L'enregistrement en phase et en amplitude est actuellement réalisé grâce à un montage holographique à décalage
spectre Fourier holographie et tomographie
Fig. 2. Spectre de fourier obtenu : a) en holographie. b) en tomographie diffractive.
de phase. Cependant, la résolution extraite d'un hologramme est faible, notamment selon l'axe z car l'information dans l'espace de Fourier est trés limitée (fig 2a) : on parle parfois d'information "2,5D" plutôt que d'information réellement 3D. Le balayage angulaire permet pour chaque angle d'accéder à une information différente. On réalise ainsi une synthèse d'ouverture ("synthetic aperture"), qui permet d'augmenter la résolution. L'augmentation de la bande passante est typiquement d'un facteur 2 par rapport à la microscopie photonique classique ou à la microscopie holographique (fig 2b). En outre, en microscopie holographique, l'information selon la profondeur est une information de phase (dépendante du chemin optique Δn*epaisseur) intégrée sur l'axe z, alors que la tomographie diffractive permet d'obtenir l'indice de réfraction complexe 3D.

L'image 3D, reconstruite numériquement en quelques minutes, fournit l'indice de réfraction complexe relatif. Deux volumes 3D sont donc obtenus, fournissant une information différente sur l'échantillon (coefficient d'absorption et indice de réfraction relatif). Les champs observés sont de l'ordre de 50 µm³ avec une bande passante latérale théorique (4*ON)/λ avec λ=633 nm pour une source de type Hélium-Néon et en utilisant un objectif et un condenseur à immersion (ouverture numérique=ON=1,4). Les fréquences sont en outre pleinement transmises, contrairement aux systèmes en lumière incohérente.

Montage expérimental : holographie à décalage de phase et tomographie

Le microscope tomographique diffractif repose sur un montage holographique à décalage de phase afin de mesurer l'amplitude et la phase du champ diffracté par l'objet. La source cohérente est divisée en 2 faisceaux injectés dans 2 fibres optiques.
montage tomographique
Fig. 3. Montage expérimental en transmission. La base est un interféromètre en partie fibré dont le bras objet passe par le bâti du microscope (non représenté). Le miroir M1 assure le balayage angulaire et M2 le décalage de phase (holographie à décalage de phase).
Le montage interférométrique est en partie fibré, les fibres permettant de compenser la différence de chemin optique liée au passage de l'onde d'illumination dans le bâti. L'onde diffractée est récupérée au niveau du port arrière d'un microscope Olympus IX71. Le haut du bâti a été modifié pour accueillir le système d'illumination à balayage angulaire (miroir M2). La caméra est ici placée dans un plan image. Une tête confocale Olympus FV300 est couplée au bâti et peut être utilisée conjointement au microscope tomographique pour les acquisitions sur les échantillons marqués pour l'imagerie en fluorescence (non représentée sur le schéma).

Applications typiques : imagerie d'objet (semi) transparents à haute résolution

Le microscope tomographique fournit deux images : un volume 3D pour l'absorption, et un volume 3D pour l'indice de réfraction. En plus de l'imagerie "classique" d'absorption (3D),Cette technique permet donc typiquement d'imager en 3D des objets présentant peu de contraste en champ large, ou des sites difficilement marquables par un fluorophore en imagerie confocale : l'information obtenue vient alors compléter celle obtenue par confocal.

Profilométrie multiangle et couplage transmission-réflexion

Le microscope fonctionne aujourd'hui de façon routinière en mode transmission au laboratoire et l'intérêt de ce mode d'imagerie est étudié sur différents échantillons, notamment en biologie [Simon2010]. Une version du microscope a été développée en réflexion et a permis de montrer un gain de résolution selon la profondeur [Sarmis2010], comparée à la version en transmission.
Le couplage transmission-réflexion et l'utilisation du microscope en topographie ont été réalisée durant la thèse de H. Liu. Un prototype compact et rapide a également été conçu. Il combine un montage à acquisitions rapides (hors-axe) et une reconstruction s'appuyant sur GPU plutôt que processeur (CUDA). Les acquisitions peuvent être désormais réalisées en moins de 10s (temps essentiellement limité par la caméra actuelle), et la reconstruction en moins d'une demi seconde.

Bibliographie



H. Liu , "Microscopie tomographique diffractive en réflexion et profilométrie multi-angles", Thèse de Doctorat de l'Université de Haute-Alsace(2014) http://dx.doi.org/10.1364/AO.53.000748. (Chargé:1782x)
H. Liu, J. Bailleul, B. Simon, M. Debailleul, B. Colicchio, and O. Haeberlé , "Tomographic diffractive microscopy and multiview profilometry with flexible aberration correction." Applied optics, Vol. 53, Issue 4, pp. 748-755 (2014) http://dx.doi.org/10.1364/AO.53.000748 . (Chargé:2011x) Cliquez ici pour la VF
J. Bailleul, B. Simon, M. Debailleul, H. Liu, O. Haeberlé , "GPU acceleration towards real-time image reconstruction in 3D tomographic diffractive microscopy." Proc SPIE 05/2012; DOI:10.1117/12.922147 (2012) http://dx.doi.org/10.1364/AO.53.000748 . (Chargé:1784x)
M. Sarmis; B. Simon; M. Debailleul; B. Colicchio; V. Georges; J. -J. Delaunay; O. Haeberlé , " High resolution reflection tomographic diffractive microscopy ", Journal of Modern Optics, Vol.57(9), p 745 (2010). DOI: 10.1080/09500341003624743.
B. Simon, M. Debailleul, A. Beghin, Y. Tourneur, & O. Haeberle, " High-resolution tomographic diffractive microscopy of biological samples", J. Biophoton. 3, No. 7, 462–467 (2010)/ DOI 10.1002/jbio.200900094.
M. Debailleul, V. Georges, B. Simon, R. Morin & O . Haeberlé, "High-resolution three-dimensional tomographic diffractive microscopy of transparent inorganic and biological samples", Optics Letters, 34(1), 79-81, (2009).
M. Debailleul, B. Simon, V. Georges, O. Haeberlé & V. Lauer, "Holographic microscopy and diffractive microtomography of transparent samples", Meas. Sci. Technol. 19, 074009 (2008).
B. Simon, M. Debailleul, V. Georges, V. Lauer & O. Haeberlé, "Tomographic diffractive microscopy of transparent samples", Eur. Phys. J. Appl. Phys. 44, 29-35 (2007).
E. Wolf, " Three-dimensional structure determination of semi-transparent objects from holographic data", Optics Communications, Vol 1(4), 153-156 (1969).

Voir aussi la page publications par ordre chronologique (avec HDR et thèse).
See also list of articles sorted out by chronological order (with PHD Thesis)
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